LA GUERRE DE L’EAU AUX PORTES DE LA RD CONGO

Idriss Deby : « De gré ou de force, les eaux du Congo seront transférées vers le Tchad »

La société civile dit non au projet Transaqua. A l’occasion de la 21èmejournée internationale des actions pour les rivières, les ONG œuvrant dans les ressources naturelles se sont réunies récemment à Kinshasa pour analyser les contours du projet Transaqua. Un gigantesque projet qui vise le transfèrement des eaux du bassin du Congo vers le lac Tchad. Tout récemment, le ministre de l’Environnement, Amy Ambatobe a été interpellé au parlement pour donner des explications à ce sujet. A-t-il convaincu ? A-t-il apaisé les esprits ? Le ministre à promis de saisir l’ONU. Une question de vie ou de mort pour le pays.

La RDC dispose de plus de 60% des ressources en eau douce de l’Afrique subsaharienne.  Elle est parmi les 9 pays du monde les plus gâtés en eau douce et le deuxième poumon forestier après l’Amazonie. Malheureusement, cette richesse est menacée par l’absence d’une politique de gestion rationnelle et durable des rivières, la pollution, la diminution des débits des eaux due au changement climatique et l’urbanisation sauvage. Mais, la menace la plus sérieuse aujourd’hui, vient du Tchad. Nul n’ignore que le lac Tchad est en voie de disparition. En 50 ans, il a perdu plus de 60% de ses ressources. Pour cause, l’avancée du Sahara vers le sud et le changement climatique.

Le lac Tchad a perdu sa superficie maximale qui était de 26.000 km2 et ne représente de nos jours que 1.540 km2. Sa profondeur est de 4,11 m, alors qu’elle était de 10,5m, il y a quelques années. Actuellement ce lac ne compte que des îlots et les quatre pays constituant le Bassin du lac Tchad (Cameroun, Nigeria, Niger et Tchad) ne jurent que sur le fleuve Congo. La réunion tenue du 26 au 28 février dernier à Abuja, faisait presque les derniers réglages pour la matérialisation du projet.

Le président tchadien Idriss Déby Itno déclarait tout haut : « Qu’on le veuille ou pas, de gré ou de force, les eaux du Congo seront transférées vers le Tchad».

Le transfèrement des eaux se fera par la rivière Oubangi. Raison pour laquelle la Commission internationale pour le Bassin du Congo, Oubangi et Sangha (CICOS) s’est installée à Kinshasa depuis des années pour y travailler. La société civile demande au gouvernement congolais de fermer le bureau de cette organisation à Kinshasa.

Après les refugiés politiques et économiques, voici les refugiés climatiques

L’idée du projet Transaqua avait déjà été soulevée par les Soviétiques depuis les années 1970 à cause de la sècheresse au Sahel. Des pays sahéliens en souffrent sérieusement aujourd’hui pour  l’agriculture, l’élevage, la pêche et la construction. Bref, une menace pour la vie humaine. Au Niger par exemple, il pleut rarement ; la température va au-delà de 40°c. La crise alimentaire y devient chronique depuis près de 15 ans.

L’arrivée des éleveurs tchadiens (Mbororos) à la recherche du pâturage en RDC, traduit la gravité de la situation au Sahel. Le sénateur Mutinga l’avait écrit en son temps : « La guerre de l’eau dans nos portes ». A-t-il été un futuriste ou un prophète de malheur ?  A chacun sa réponse.

Qui fait quoi en RD-Congo ?

Le débat a refait surface à cause de la déclaration d’Abuja qui porte essentiellement sur l’engagement des chefs d’Etat, membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) à concrétiser ce projet. Les deux principales résolutions de la Conférence internationale du 26 au 28 février 2018 à Abuja pour la campagne de la sauvegarde du lac Tchad sont les suivantes :

– Approuver le Projet de Transfert des Eaux Interbassins (PTEIB) comme un partenariat gagnant-gagnant aussi bien pour le Bassin du Congo que pour celui du lac Tchad.

– Mobiliser des ressources techniques et financières nécessaires pour les études et la mise en œuvre du projet. Il convient de noter que la RDC a été représentée à ladite conférence par François Kalwele, un ancien mandataire de la REGIDESO, aujourd’hui expert indépendant. Avec cette qualité, peut-il vraiment engager tout un pays ? De qui a-t-il reçu le mandat ? Quel est son poids face aux chefs d’Etat ?

Malgré la clarté des explications scientifiques, la question est éminemment  politique

La science face à la politique. La société civile de la RDC s’interroge sur la vraie motivation du projet Transaqua parce que d’après l’histoire, le système du lac Tchad a toujours connu des fluctuations plus ou moins importantes.

D’après l’ingénieur hydrologue Anderson Mwamba, les études ont démontré que vers 2000 (av. J.-C.), le lac Tchad avait disparu complètement à cause de l’aridité des tropiques à l’apogée de la glaciation.  Mais vers 4000 (av. J.-C.), ce lac était la mer intérieure de l’Afrique centrale qui, au fil des temps, s’était asséchée.  En 1908, il n’était plus qu’un marécage entre deux petits bassins nord et sud puis, son niveau a progressivement augmenté. En 1963, ce lac couvrait une superficie de 22.903 à 25.000 km2. En 2008, sa superficie n’était plus que de 2.500 km2.

Toute fois, les précipitations ont repris leur rythme dans la région depuis 2012 et la superficie du lac Tchad est dans une phase ascendante.

Il connaît deux cycles naturels dont l’un de hautes eaux, correspondant à son maximum de superficie et aux nombreuses précipitations dans la région et l’autre de basses eaux, équivalent à la diminution drastique des précipitations suivies de l’assèchement plus ou moins avancé de son lit. Cet assèchement lui-même est accentué par l’entropie, les activités anthropiques et la mauvaise gestion de tout le bassin versant.

Le projet Transaqua ne peut qu’avoir des conséquences fâcheuses pour la RDC selon Emmanuel Musuyu de la Coalition des ONG. Les deux principaux affluents du fleuve Congo à savoir le Kasaï et l’Oubangui qui alimentent le fleuve, payeront un lourd tribut. Les lacs et d’autres rivières ne seront pas épargnés.

Questions 

Quel sort réservera-t-on aux nombreux barrages hydroélectriques au pays? Que dire de la navigabilité sur le fleuve, les lacs et les rivières? L’argument selon lequel on capturera l’eau à partir de l’embouchure du fleuve Congo est faux. Poker menteur !  Le Tchad serait proche de la rivière Oubangui à l’Equateur que de l’embouchure du fleuve au Kongo Central. S’il faut importer de l’eau de l’océan, Idriss Déby le ferait mieux à partir du Cameroun (Douala), son voisin direct qu’à partir de la RDC au regard de la distance et du coût du projet. De plus, l’eau de l’océan exige un traitement particulier pour sa désalinisation.

Pour la société civile, le projet Transaqua comporte plusieurs conséquences néfastes sur la sécurité et la paix en RDC. Les Mbororos ont formé un groupe armé au nord de la RDC. Pourtant, ils y étaient venus à la recherche du pâturage.

Il sera difficile de lutter contre la pauvreté et la  faim  dans la région puisque la majorité des communautés ne vivent que de l’élevage, de la pêche et de l’agriculture le long des cours d’eau.

Le projet viole le principe de Dublin N°2, l’article 56 de la Constitution de la RDC, les articles 51 et 53 de la Loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau.

Transaqua entraînera la perturbation du système aquatique. La diminution du débit et des précipitations provoquera l’ensablement du lit du fleuve Congo. Les barrages hydroélectriques de Mobayimbongo et Inga seront affectés. L’ouverture du Bassin du Congo au Bassin du lac Tchad endommagera l’écosystème.

Le projet perturbera les deux grandes régions ichtyo géographiques africaines très différentes l’une de l’autre, à savoir la région ichtyo géographique nilo-soudanaise à laquelle appartient le bassin du Lac Tchad et la région ichtyo géographique du Congo.

La construction d’un canal engendrerait de nombreux problèmes notamment l’hybridation des espèces animales, aquatiques, la compétition entre les espèces, la disparition de certains maillons des chaînes alimentaires non adaptés aux nouvelles conditions de vie créées par la jonction des eaux des deux régions, la disparition de certains habitats, l’apparition, de part et d’autre de nouvelles pathologies jadis limitées à l’une ou l’autre région, etc.

Le gigantesque canal de prise d’eau constituera une barrière infranchissable pour les espèces terrestres. Certains biefs des rivières interceptées, situés en aval de la zone de capture, perdront leurs chutes, leurs zones marécageuses ainsi que la faune et la flore. On ne sera pas à l’abri de certaines maladies d’origine étrangère en RDC. Donc, un nouveau problème de santé publique s’ajouterait à ceux existants.

Le rôle de la force publique pour décourager tout celui qui tient mordicus à ce projet préjudiciable à la République

 Les guerres entre les Etats sont plus économiques que politiques.

Un observateur averti fait savoir que l’implication militaire du Tchad dans plusieurs conflits armés en Afrique notamment, sa lutte contre Boko Haram, plaide en sa faveur. Son combat contre le djihad au Mali en particulier et au Sahel en général lui attire la sympathie de grandes puissances, ultrasensibles au terrorisme. L’engagement militaire de N’djamena mérite une contrepartie aux yeux de ceux à qui il rend service. N’djamena fait la sous-traitance.

C’est ainsi qu’il bénéficie du soutien pour le  projet Transaqua. Comme une hirondelle qui annonce le printemps, la RDC est prévenue. L’armée, la police et les services spéciaux congolais seraient  attendus au tournant au cas où le Tchad recourait à la puissance du feu selon l’insinuation d’Idriss Déby.

Il n’existe aucune fraternité, aucune amitié, aucune pitié entre les Etats. Tout est question des intérêts et des rapports de force.

Que des constats amers au pays de Lumumba

La RDC ne participe pas aux discussions sur l’avenir du lac Tchad, malgré son statut d’observateur de la CLBT, alors  qu’elle est visée.

La société civile déplore la loi de l’omerta des autorités congolaises, rejette catégoriquement ce projet et suggère que le peuple congolais soit consulté par référendum.  Un accord a-t-il été signé entre la RDC et le Tchad ? La députée nationale Eve Bazaiba exige la clarté au gouvernement sur ce qui aurait été conclu comme accord entre la RDC et le Tchad. Tout doit être transparent. Le sujet est transversal et n’exclut aucun service de l’Etat.

Des milliards illusoires comme appât

Halte au gain facile et à la loi du moindre effort ! Tout s’obtient par l’intelligence, le travail et l’effort.

Les pays défavorisés par la nature l’ont compris et sont peut-être dotés de ces qualités. La RDC a tout, mais manque de tout.

Quelques prébendiers congolais sont d’ores et déjà séduits par l’argent que le projet pourrait leur rapporter. On parle de plus de 15 milliards US. Une utopie. La France et la Chine se présentent comme les principaux bailleurs de fonds. Leurs entreprises gagneront des marchés. L’argent retournera en France et en Chine tandis que le Tchad sera pitoyablement ou impitoyablement obéré davantage. Quelle sera la part de la RDC ?

Les pays de la CBLT sont incapables de payer leurs fonctionnaires, de payer la bourse des étudiants et de se nourrir. Par conséquent,  ils n’ont rien à donner à Kinshasa.

Les eaux de la RDC ne sont pas convoitées que par le Tchad. La sécheresse frappe aussi l’Afrique Australe et l’Afrique du Sud lorgne sur les eaux du Congo en raison de sa proximité avec le Katanga. La chaîne de télévision SABC ne cesse de projeter alternativement des images sur la carence de l’eau au pays de l’Arc-en-ciel et l’abondance des ressources hydrauliques en RDC.

Les scientifiques de l’Université du Cape travaillent sur deux possibilités : la désalinisation des eaux des océans et l’importation. Si la première option est très coûteuse, la deuxième reste l’hypothèse la plus plausible.

Des propositions concrètes

La société civile recommande au président de la République de prendre toutes les dispositions pour garantir la sécurité et la souveraineté nationale. Le gouvernement doit définir clairement sa position en se référant à la Constitution et à la Loi sur l’eau. Il doit en outre éclairer la population sur son statut de membre observateur à la CBLT et expliquer le pourquoi de sa non-participation à des rencontres organisées par d’autres pays sur le projet. Le parlement doit examiner urgemment le bien-fondé de ce projet et interpeller encore le gouvernement. La communauté internationale doit respecter  la souveraineté de la RDC.

Le peuple congolais doit être maître du sol et de son sous-sol. La vigilance et l’héroïsme s’imposent pour défendre la mère patrie.

                                                                                                                                    Gaby KUBA BEKANGA

 

J. Gérard-Désiré ANGENGWA AGBEME

Après ses débuts scolaires, 1ere Promotion de l''Institut Champagnat- Collège de Binza- Institut Bobokoli actuellement, Jerry Gérard-Desiré ANGENGWA AGBEME NGENDU MBOKO est diiplomé d'études universitaires à l'Institut des Sciences et Techniques de l'Information (ISTI) actuel Institut Facultaires en Sciences de l'Infiormation et de la Communication (IFASIC). Jerry Gérard-Desiré ANGENGWA AGBEME est présentement Directeur-Coordonnareur de la Direction de la Communication et Médias de la Fédération congolaise de football association (FECOFA). Il charrie une riche expérience de plus d'une trentaine d'années de métier. Après ses débuts dans la Presse mère au sein du Groupe de presse Salongo dans les années '80, il assumera par la suite les fonctions de Rédacteur en chef et de Directeur de publication de plusieurs journaux du pays notamment EPANZA MAKITA, MAMBENGA, L'ESSOR AFRICAIN, NOUVEAU DEFI, L'ENJEU SPORTIF, LE DIPLOMATE, KIN MATCH, LA RÉPUBLIQUE, ... Il coordonne présentement le 1er Journal televisé sportif en lingala "15' YA MASANO" qu'on suit également sur Youtube sur 15' YA MASANO TV, après ses passages sur VAINQUEURS TV, DONDJA TV et DRC SPORTS...